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artist : GUERRE FROIDE

Release date : April 18, 2015
genres : COLD WAVE / MINIMAL / SYNTH WAVE
format : VINYL / DIGITAL
reference : BB072

BB072 GUERRE FROIDE S/T

Guerrefroide1982_01Novembre 1981 – Au coeur de l’automne, nous sommes partis à 2 voitures par la Nationale 1 (!) pour rejoindre Choisy-le-Roi où nous attendait ce studio 16 pistes qui allait enfin nous permettre en 2 jours de week-end de creuser nous aussi nos sillons dans le vinyle. Nous étions assez fébriles car cela faisait quand même 1 an et demi que Guerre Froide existait. Nos aînés de Kas Product avaient déjà sorti 2 EP de 4 et 3 titres en 1980 tout en ayant débuté quelques mois avant nous. Certes, il n’y avait pas vraiment d’urgence puisque pour certains d’entre nous qui étaient issus du mouvement punk l’ambiance était toujours au No future, même si nous n’étions plus dupes depuis longtemps … Pourtant d’autres y avaient vraiment laissé leur peau, comme ceux de la génération précédente. Les raisons en étaient ironiquement la plupart du temps les mêmes : héroïne et/ou amour, des drogues dures … Tiens, justement, j’avais un terrible mal de ventre, dû à l’appréhension ou à une certaine forme de tension, qui nous a contraint à nous arrêter dans l’Oise pour me permettre de foncer aux toilettes d’un troquet. Le même désagrément gastrique se reproduirait ensuite après avoir atteint le studio dont j’ai par ailleurs oublié le nom …

Nous étions arrivés là par la généreuse volonté d’un ami, Sylvain S. dit « Perlin » (quelle coïncidence phonétique !?), qui avait spécialement créé pour nous produire le label Stechak Products. Stechak parce que c’était cohérent vis-à-vis de sa précédente association baptisée Tchernoziom et Products en hommage pluriel aux défricheurs nancéiens.

Guerre Froide avait d’abord compté 4 membres : Fabrice Fruchart à la guitare-synthé (Korg MS 20), Patrick Mallet à la basse et Gilbert Deffais dit « Bébert » à la boîte à rythmes Korg. A ce moment-là, je chantais déjà dans un groupe rock-post punk appelé Stress et c’est ainsi que Guerre Froide a pris la mauvaise habitude de répéter dans la même cave amiénoise que Stress. En un mois ou deux, nous avions une demi-douzaine de compositions. Nous avons alors eu l’opportunité de réaliser dans la foulée une demo 4 titres avec un ami de Radio France Picardie et de participer en octobre à un festival au cirque municipal d’Amiens. Puis il y eut le fameux concert du 11 novembre au B.J.’s Club. Ensuite nous avons produit et édité à 50 exemplaires en total D.I.Y. une cassette intitulée Cicatrice. Quelques concerts plus tard, alors qu’entre-temps Jean-Michel Bailleux nous avait rejoint pour tenir la basse, pendant que Patrick prenait une guitare avec laquelle il se sentait plus en phase et que nous commencions à avoir des projets plus précis, nous avons été obligés de changer de lieu de répétition et de louer une salle. Et vint ce moment où Fabrice nous annonça qu’il nous quittait pour aller étudier à Lille … Après le concert du 19/06/1981 logiquement qualifié d’Adieu à 2F, Marie-José, la femme de Bébert, s’est proposée pour être au synthé.

C’est alors que Perlin, qui appréciait beaucoup notre musique et était un proche ami du couple Deffais, nous a proposé de se charger intégralement de la production d’un maxi 45 tours 4 titres, en l’occurrence de payer le studio, la gravure, le pressage et la pochette. Quel groupe débutant n’aurait pas accepté ? Un contrat improvisé a été signé avec chacun des membres de Guerre Froide. Il a d ‘abord fallu faire le choix des 4 titres que nous aurions à enregistrer. Berlin 81 s’est imposée car c’était déjà la chanson emblématique du groupe. Nous voulions éviter de revenir sur d’autres titres figurant sur Cicatrice. La priorité était donc ensuite à la nouveauté et il y en avait eu avant et après le départ de Fabrice. Ersatz par exemple lui est due, mais pas Mauve et Peine perdue qui ont également été sélectionnée et qui sont deux compositions de Patrick.

Guerrefroide1981_01

Nous avons eu une proposition graphique très intéressante de la part de Didier Meçh, alias « Alex », un ami qui avait déjà pris en charge le packaging de Cicatrice. Il ne nous restait plus qu’à avoir des idées quant à la matière sonore que nous désirions obtenir. Nous savions déjà que l’achat de matériel Roland avait changé quelque peu le rendu de la rythmique électronique et surtout celui du synthé. Nous n’avons en effet jamais réussi à retrouver ce son si particulier de la demo initiale. Avec Berlin 81 j’avais très envie, en plus de l’hommage à Marlène Dietrich, de glisser entre la fin de la partie centrale rapide et la reprise plus calme un autre clin d’oeil cinématographique avec un passage parlé qui ne figurait pas dans la version originale du morceau. J’ai pensé à « Ne cherche pas à comprendre, Tu n’as rien vu à Dresden », l’ex-chanteur d’Ultravox ayant bien chanté Hiroshima mon amour. La compagne de Perlin, Christine R., a été sollicitée pour faire un enregistrement brut de la phrase qui devait servir ensuite en studio. Le choix d’une 2ème guitare sur Mauve est apparu évident et nous avons demandé à un ami admirateur de The Cure, Frédéric Labarrière, d’assurer cette partie. Et nous nous sommes dit que pour le reste, on aviserait sur place ! Ceci dit, une chose était certaine : nous ne voulions pas sonner comme ces groupes anglais avec de la réverb à n’en plus finir sur la voix, des guitares noyées dans les flangers, une basse plombée, toutes ces ambiances que nous aimions pourtant … Nous étions nourris de nouveaux sons anglo-saxons et américains depuis 1975, car nous écoutions tout ce qui sortait, mais nous voulions apporter notre atmosphère personnelle dans cette mouvance cold naissante si typiquement française ! Perlin voulait absolument que nous entrions dans un studio « parisien ». Il est vrai que nous n’accordions aucun crédit à certains escrocs picards qui auraient pu nous être fatals, comme ils le furent avec nos amis de C.Q.F.D., groupe au style proche des Stranglers qu’ils ont réussi à faire sonner comme un croisement de Genesis et de Jethro Tull !

A Choisy-le-Roi le temps nous était donc compté, car nous devions enregistrer et mixer 2 titres par jour. L’ingénieur du son, que je nommerai ici Bernard parce que je ne me souviens pas de son véritable prénom, connaissait de notre musique ce qu’il avait pu en écouter grâce à Perlin. Dans les échanges que nous avons eus avant de nous mettre au travail, nous avons bien noté qu’il avait travaillé en studio avec Gérard Manset … Il était donc ouvert à toutes sortes de propositions et à nous en faire également. Il faut rappeler que l’enregistrement était analogique et que de ce fait Bernard préférait les prises complètes plutôt que du rafistolage avec des bouts de prises, parce que c’est aussi plus authentique comme le pensent en général les puristes. Tout s’est déroulé tranquillement. Nous avons procédé comme de bons petits musiciens amateurs avertis, en mettant sur bande d’abord les rythmiques (boîte plus basse), puis le synthé et la guitare. La voix viendrait as usual en dernier.

Le samedi, j’ai ainsi fait Berlin 81 plusieurs fois de suite intégralement avant d’avoir une version valable. Je ne m’en lassais pas et ça étonnait plutôt l’ingé son ! La phrase au milieu du morceau ne passait pas avec la voix de Christine. On a donc demandé à Marie-José de la dire comme ça, sans préparation. Et ça a marché ! On avait un timbre qui sonnait vraiment comme je l’envisageais. Je n’ai pas pu m’empêcher de vouloir changer à nouveau le titre de ce morceau qui dans sa version primitive de 1978 s’intitulait Eva. C’était l’un des 3 textes que j’avais écrits à l’origine uniquement en anglais pour Genocide, le combo punk que Patrick et moi avions formé en mai 78, et ce serait ainsi son 3ème titre (la genèse de cette chanson vaudrait à elle seule un chapitre d’une bio). Donc ça s’appellerait dorénavant Demain Berlin, parce que demain c’est toujours mieux … ou pire !

Pour Peine Perdue, Bernard a proposé des vois doublées, technique que je connaissais pour l’apprécier chez des musiciens bien plus connus que nous, mais que je n’aurais jamais pensé mettre en pratique pour notre musique. Dubitatif au début, forcément, je me suis pris au jeu des tonalités différentes et j’ai été séduit par l’atmosphère que ça avait créée. Patrick et Jean-Mi trouvaient ça intéressant, tandis que Perlin n’aimait pas du tout, qualifiant le chant de « rive gauche » ! Mais on l’a gardé …

La fin d’après-midi de la 1ère journée a été un peu confuse car tout le monde avait son idée du mixage final ; ça faisait 5 musiciens amateurs plus un producteur improvisé face à un ingénieur du son professionnel ! C’est donc lui qui a remis les pendules à l’heure en nous expliquant les erreurs à ne pas faire. Comme de toute façon, nous n’avions aucune expérience en ce domaine, nous avons bien été obligés de lui faire confiance … Après un restaurant pas du tout arrosé, nous sommes allés dormir pas trop loin du studio (chez Lydie, une amie de Perlin dont on a squatté l’appartement).

Le lendemain, Fred nous a rejoints pour assurer sa partie de guitare, mais on a commencé par Ersatz. Et là, après une mauvaise nuit et des mixages plein la tête, j’ai eu l’idée de doubler la voix des refrains du morceau avec celle de Marie-Jo qui ne s’y attendait absolument pas et n’avait de fait pas du tout répété pour l’occasion. Décomplexée par rapport aux voix féminines connues à cette époque, comme celles des chanteuses des Stinky Toys ou des Tokow Boys, Marie-Jo s’est aventurée sans filet pour une expérience dont le résultat nous a assez rapidement séduit !

Mauve a été expédiée sans bavure par Fred qui était un excellent guitariste. Je l’ai chanté aussi sincèrement que pouvait l’attendre alors un texte si personnel. No other comment.

Nous avons mixé les 2 titres du dimanche et avons pris le temps de réécouter l’intégralité de notre travail, pour éventuellement rajouter ou réajuster des pistes. Mais on a laissé des scories, du genre note de synthé dérapant ou accord de basse légèrement pas « dedans ». Ensuite nous avons déduit de tout ça qu’il devrait y avoir de toute évidence une face tendance synthétique et une autre plus dédiée aux guitares. Le track-listing s’est ainsi mis en place. Je ne sais plus si l’avis était unanime, mais je pense que l’efficacité du duo vocal dans le refrain d’Ersatz nous a convaincu très vite qu’il fallait le placer avant Demain Berlin. Je ne crois pas cependant qu’il y ait eu un quelconque espoir d’avoir de cette façon « un titre qui marche » commercialement parlant ! Et pourtant l’ambition naissait …

En décembre, Perlin a reçu 3 test-pressings. Nous nous sommes tous retrouvés fissa chez lui pour écouter notre merveille vinylique. Et là, consternation !! C’était absolument inécoutable, au sens où il n’y avait aucun son qui ressortait, aucune énergie. C’était un disque à l’encéphalogramme plat … Evidemment, puisque personne ne nous avait dit ou conseillé d’être présent le jour de la gravure ! Je parle là du groupe, car il n’est pas impossible que Perlin y eut assisté lui … Toujours est-il que voyant la gueule que tout le monde tirait en disant qu’il était hors de question que l’on sorte une merde pareille, notre ami s’est engagé à demander une nouvelle gravure. Je n’ai jamais su s’il l’avait payée ou pas …

Les 1000 exemplaires sont arrivés début 1982 dans une sous-pochette intérieure que nous avions exigée noire, elle-même glissée dans une superbe pochette noir et blanc pelliculée. Sans distribution particulière, Perlin faisait le V.R.P. sur Paris, dans le Nord, dans l’Est … Une superbe affiche a été concoctée par Alex pour la promo. Nous avions repris les concerts et le disque se vendait plutôt pas trop mal, passait sur des radios régionales ou nouvellement libres. On pouvait penser que la clause finale du contrat bricolé, qui laissait entendre que lorsque les 1000 exemplaires seraient vendus le producteur s’engageait à en faire presser 1000 autres, allait peut-être fonctionner. Cela nous aurait par ailleurs permis de bénéficier d’un petit pourcentage sur les ventes, alors que pour l’instant nous avions eu chacun notre exemplaire et that’s all folks ! Nous avions quand même eu un beau cadeau et nous n’étions pas à la SACEM par choix. Et puis maintenant nous étions des gloires locales, non ? Mais la vie est pleine de surprises et l’envie est source de méprises. Et ça, c’est une autre histoire …

Yves R. / Novembre 2014

33 ans après, alors que le label Born Bad s’apprête à rééditer ce vinyl culte, Guerre Froide distille à nouveau son atmosphère depuis presque 9 ans ! En effet, tel un agent dormant et en dépit de la chute du mur de Berlin en novembre 1989, le groupe s’est reconstitué en trio. Emmanuel Delmarre, grand fan et créateur du site Nordwaves, a convaincu Fabrice et Yves de repartir pour une nouvelle aventure à laquelle s’est joint l’un de ses amis, Samuel Druon à la basse. Depuis avril 2006, Guerre Froide a composé de nouveaux titres qui ont été joués en France, mais aussi en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Hollande, en Suisse, … Entre autres productions discographiques, 3 albums ont vu le jour pendant cette période : Angoisses Et Divertissement, Abrutir Les Masses, Avant-Dernière Pensée. Le spectacle c’est la salle …  

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